Chroniques

LA PLUME DU FAUCON

Vous trouverez ici plusieurs articles traitant principalement des tendances sociales reliées à la vie de couple. M. Leblanc est chroniqueur pour divers journaux et magazines et son style d’écriture a beaucoup fait parler de lui. Sujets chauds, saupoudrés d’humour, il aura bonne plume pour chacun des lecteurs.

CHRONIQUE
Couple : Surmonter les épreuves par Margaux Rambert (publiée le 4 novembre 2016)
Se soutenir, préserver l’intimité de son couple malgré la naissance d’un enfant, le chômage ou la maladie, anticiper tant que possible les épreuves… Autant d’attitudes qui, selon le psychiatre Christophe Fauré, permettront aux amoureux de mieux affronter les turbulences inévitables de la vie.


Naissance d’un enfant, changement de vie, chômage, maladie, deuil… La vie de chaque couple est jalonnée d’épreuves. Certaines plutôt heureuses, d’autres très douloureuses, qui vont toutes bouleverser la vie des deux partenaires. Et parfois, vraiment mettre à mal le couple. « Mais une épreuve ne le fragilise pas nécessairement, prévient le psychiatre Christophe Fauré. Prenez l’idéogramme chinois qui signifie crise : il est composé de deux sous-idéogrammes. L’un signifie danger, l’autre opportunité. Dans une épreuve de vie, il y a le risque d’une explosion du couple, mais aussi l’occasion d’un rapprochement, d’une compréhension en profondeur ». Bien sûr, si le couple est fragile, l’épreuve aura plus de chances de précipiter sa perte. « Mais dans certains cas, même sur un terrain précaire, elle va permettre à de nouvelles ressources d’émerger. Comme des capacités de générosité, d’empathie, de résilience, que le quotidien avait peut-être émoussées ou n’avait jamais laissées apparaître ». Quelles qu’elles soient, les turbulences de la vie font office de révélateurs. De nous-mêmes, de l’autre, du couple que nous avons construit. Pour le pire mais aussi le meilleur.

Saura-t-il/elle être là ?
La question se pose à tous les amoureux. Face à un cancer ou une dépression, saura-t-il me soutenir, me réconforter ? Face au chômage, saura-t-elle m’épauler ? « Quoi que puisse dire l’autre, et même s’il est sincère au moment où il dit qu’il sera là, cela reste des mots, explique Christophe Fauré. En amont des épreuves, il est bon de réfléchir, de façon lucide, à ce que l’on sait de la personne avec laquelle on vit et au niveau d’attente que l’on peut avoir vis-à-vis d’elle. » Oui, l’on peut avoir conscience, au fond de nous, que dans certains cas, notre conjoint ne pourra pas nous aider. Que s’il sait nous prendre dans ses bras pour nous réconforter, il lui est difficile de trouver et de prononcer les mots que nous souhaitons entendre. « Mais cela ne veut pas dire qu’il ne nous aime pas. Juste qu’il ne sait pas. Il faut être lucide sur ce qu’un être humain est capable de donner en fonction de ce qu’il est, de son histoire, de ses propres blessures… » La clé : renoncer à changer l’autre. « Lui demander d’être présent là où il peut l’être. Et si dans une épreuve, son conjoint n’est pas la meilleure personne à solliciter, ne pas hésiter à trouver des ressources ailleurs, auprès de sa famille, de ses amis, d’un psy… »

Préserver l’intimité du couple
Première victime des épreuves de la vie : l’intimité du couple. Mise à mal dès le bouleversement que constitue la naissance d’un enfant. Une véritable tempête à laquelle de plus en plus de couples ont du mal à résister, se séparant un ou deux ans après la venue de leur bébé. « L’un des dangers, c’est qu’il y ait abandon du terrain du couple. Que la femme, par exemple, pose sa casquette d’amante et ne soit plus qu’une mère. Son compagnon cesse alors d’être vécu comme un être sexué et se retrouve réduit au seul statut de père. » Rester des amoureux tout en étant devenus des parents… Tel est le subtil équilibre que les deux partenaires ont à trouver. D’autant qu’une fois happé par les tracas quotidiens, le travail et les enfants, il est facile pour le couple de s’oublier. De faire passer la relation après les obligations. Qui plus est lorsque l’on traverse des épreuves. « Le meilleur moyen de prévenir leur violence destructrice, c’est de nourrir son couple tout le temps. Ce n’est pas en pleine tempête que l’on apprend à nager. Si l’on n’a pas un entraînement à une intimité quand tout va bien, il sera difficile d’en partager une lorsque l’on sera plongé au milieu du chaos ».

Faire face à l’absence de désir
Victime collatérale du manque d’intimité : le désir. Evidemment peu enclin à se manifester dans les situations de crise. Combien sommes-nous à éprouver moins de désir pour l’autre dans les périodes difficiles ? Pour Christophe Fauré, « il faut en parler. Lui dire : tu sais, je t’aime, mais en ce moment, je n’ai pas du tout envie. Car en face, l’autre est en train d’imaginer qu’on ne l’aime plus, que cette épreuve est en train de vous détruire complètement ». Objectif : rester en lien avec l’autre, malgré les aléas de la vie et de sa libido. Et quand celle-ci faiblit momentanément, il s’agit de prendre le temps. D’apprécier la compagnie de l’autre, de partager avec lui des moments privilégiés, de recréer une complicité… Afin de mieux se retrouver une fois le désir revenu.

Exprimer ses besoins
Besoin de plus d’écoute, de soutien, d’intimité… Dites-le ! « Il faut sortir de cette idée que l’autre devrait savoir que nous souffrons et que l’on a envie, par exemple, qu’il nous serre dans ses bras. Et que s’il n’en est pas capable, c’est qu’il ne nous aime pas. Si l’on a un besoin, il est de notre responsabilité de le lui signifier. » Combien de disputes pourraient ainsi être évitées ! Prenons un couple, qui vient de déménager car l’un des partenaires a été muté à 800 kilomètres de leur ancien domicile. Combien de compagnons, contraints de partir, ont ressenti de la rancœur vis-à-vis de leur conjoint, face à cet éloignement forcé de leurs familles et amis ? « Là encore, il faut exprimer ses besoins. Exemple : ‘D’accord, on part, mais on prévoit un budget pour pouvoir aller voir mes proches souvent. Il faut un retour, que cela soit donnant-donnant, et surtout, gagnant-gagnant ».

S’aider, se soutenir
S’il y a un moment où le couple doit plus que jamais faire équipe, c’est bien au travers des épreuves. Mais difficile, parfois, de savoir quelle attitude adopter face à la souffrance de la personne aimée. « L’essentiel, c’est d’être présent », résume Christophe Fauré. Chacun à sa manière. A chacun aussi d’essayer de mesurer l’ampleur de la souffrance que ressent l’autre. Votre conjoint se retrouve au chômage. « Pour les hommes en particulier et pour certaines femmes très investies dans leur travail, la remise en question de leur statut professionnel est aussi une remise en question personnelle. C’est une blessure dans leur estime d’eux-mêmes. » A bannir dans ce cas : les phrases du type « secoue-toi » ou « tu ne sers à rien ». « Il faut au contraire chercher à valoriser l’autre en tant que personne ».

Anticiper
Pour Christophe Fauré, l’une des façons de surmonter les épreuves est aussi de tenter, dans la mesure du possible, de les prévenir. A commencer, par exemple, par la naissance d’un enfant. « Avant d’avoir d’en avoir un, il faudrait tirer au clair ce que les enfants représentent pour chaque membre du couple. Comment se projette-t-on ? Quel rôle compte-t-on jouer ? De qui a-t-on été l’enfant ? » Un dialogue à mener avec son compagnon afin que la venue d’un bébé soit un bouleversement… heureux. « Il faut anticiper. Faire part de ses désirs, de son projet éducatif, de ses attentes, mais aussi de ses peurs… » Comme il faudra évoquer ensemble, quelques années plus tard, ce jour où l’enfant partira. Ce jour où le couple se retrouvera en tête-à-tête. Comme à ses débuts. L’opportunité pour lui de réaliser des projets si longtemps différés. Mais aussi, parfois, d’avoir à dresser le triste constat que « l’on s’est éloignés ». « Ce qui compte, c’est la façon dont le couple a pris soin de lui quand les enfants étaient encore là. Si les deux partenaires le faisaient exister en tant que tel, en s’organisant notamment des week-end à deux, ils vont naturellement se réajuster. C’est juste un week-end plus long. »

Faire le bilan
Départ des enfants, retraite… Autant d’occasions, pour le couple, de faire le bilan. Et pour chacun, de s’interroger : ai-je envie de partager le reste de ma vie avec l’autre ? « C’est un temps où l’on se rechoisit. Imaginez-vous sans l’autre et voyez ce que cela vous fait, dans votre ventre. Il faut déterminer ce que l’on a encore envie de partager avec lui, car peut-être que l’on n’en a plus envie. » Et il bon de préparer cette période où le couple va se retrouver ensemble ‘24 heures sur 24’. « Il faut trouver un dénominateur commun, malgré les activités de l’un et de l’autre. L’on peut se retrouver sur des terrains extrêmement différents de ceux du début. C’est en cela que cette période de la vie est extrêmement fructueuse. »

Bien vieillir à deux
A condition, toutefois, de pouvoir en profiter. Chose difficile si la santé n’est pas au rendez-vous. Pour le psychiatre, entretenir son couple, c’est aussi en prendre soin… physiquement parlant. « Bien vieillir à deux, c’est préparer, en amont, l’état physique dans lequel on va arriver. » Et si la maladie frappe malheureusement à la porte, « c’est ne pas se perdre dans le seul rôle de soignant. Faire en sorte que le corps de l’autre reste un objet de tendresse. Et surtout, énormément communiquer : sur la dépendance croissante, la culpabilité que celui qui est malade a à imposer cela à l’autre… »
L’ennemi des couples vieillissants mais aussi des plus jeunes : la procrastination. « Remettre sans cesse les choses au lendemain, c’est prendre le risque que le plus tard ne devienne trop tard. Alors ne différez pas ce voyage dont vous rêvez depuis longtemps. Et jouissez pleinement de ce qui est là maintenant ».



Par: Margaux Rambert
Site: www.psychologies.com